La Cour de cassation fixe une nouvelle jurisprudence et envoie un signal fort aux employeurs. Peu importe l’entreprise où il était employé, un salarié qui pourra démontrer son exposition à l’amiante suite à une faute de son employeur, pourra désormais prétendre à une indemnisation au titre du préjudice d’anxiété.
L’arrêt est sans doute une victoire pour les associations de victimes. Depuis 2010, la reconnaissance du préjudice d’anxiété demeurait confinée aux seules sociétés figurant sur la liste des entreprises ouvrant droit à l’Acaata (Allocation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante). Des centaines de salariés se sont ainsi vus déboutés au seul motif que leur entreprise ne figurait pas sur cette liste. Jugée inéquitable, injuste même, cette jurisprudence avait été récemment contestée par arrêts discordants de cours d’appel. Au point que la Cour de cassation avait jugé bon de se réunir en assemblée plénière -plutôt singulier-, le 22 mars, pour fixer la nouvelle jurisprudence.
Avec ce nouvel arrêt tombé ce vendredi 5 avril, la haute juridiction déconnecte l’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété de la fameuse liste des entreprises ouvrant droit à l’Acaata. « Même s’il n’a pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, un salarié exposé à l’amiante et ayant, de ce fait, un risque élevé de développer une maladie grave peut demander la réparation d’un préjudice d’anxiété, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur. Il devra en apporter la preuve », explique la note de la Cour de cassation. En clair, beaucoup de salariés exclus jusqu’à présent pourraient à l’avenir prétendre à une indemnisation. A condition toutefois de démontrer que l’exposition à l’amiante découle d’une faute commise par l’employeur. Qu’il y ait exposition ne signifie pas forcément qu’il y ait faute : « l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a mis en œuvre les mesures visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail« , c’est-à-dire, les mesures propres à l’évaluation des risques.
Avec ce revirement de la jurisprudence, la Cour de cassation envoie un signal fort en direction des entreprises pour qu’elles prennent conscience de procéder à l’évaluation des risques et de protéger leurs salariés contre les expositions amiante. On pense notamment au secteur du BTP où les expositions à l’amiante demeurent et où les repérages avant-travaux ne sont pas toujours réalisés.
Le préjudice d’anxiété en bref
Le principe fondateur de ce préjudice moral a été posé par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2010. En cas d’exposition à l’amiante, le salarié peut invoquer un préjudice d’anxiété assimilé à « une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie ». L’indemnisation correspond à la réparation de « l’ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance par le salarié de son exposition à l’amiante ».
Arrêt n°643 du 5 avril 2019 (18-17.442) -Cour de cassation – Assemblée plénière